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Lalettrine.com

Anne-Sophie Demonchy
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13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 14:09

daniel-pennac.jpgDaniel Pennac est un auteur malicieux, vraiment malin. Sa truculence transparait dans ses textes, même si l’on voit parfaitement, dès les premières pages où il veut nous mener. Petite, en 4e, notre prof de français nous avait demandé de lire Au bonheur des ogres et, malgré la vivacité de son écriture, je n’avais pas adhéré à son histoire qui me semblait farfelue. Je n’ai guère eu l’occasion de relire ses romans, excepté de temps à autre quand un élève m’assure que L’œil du loup et Cabot-Caboche sont de vrais bijoux. Et je me réjouis donc d’un auteur qui donne envie à de nombreux enfants réfractaires à la lecture de dévorer ses histoires.

 

La sortie de Journal d’un corps ces dernières semaines fut un véritable événement dans le paysage littéraire. Nombre de journalistes ont loué son audace : Pennac aurait eu l’incroyable idée d’imaginer le journal intime d’un corps. Le narrateur, au soir de sa vie, lègue à sa fille le journal de son corps qu’il a tenu depuis l’âge de 13 ans jusqu’à son dernier souffle, 87 ans. Il faut évidemment louer la prouesse de Pennac qui développe son projet d’analyse du corps masculin sur toute une vie, en évoquant les plaisirs comme les blessures, la jouissance comme la souffrance. Le narrateur parle librement de son corps, de son épanouissement puis de sa déchéance, des réactions physiques qu’il éprouve devant tel ou tel phénomène. Les grandes étapes de son existence (sa rencontre avec son épouse, l’arrivée de ses enfants, etc.) sont racontées mais à chaque fois, c’est à travers le prisme des réactions corporelles : ses relations ou discussion avec ses enfants ont trait au corps, il en est de même avec sa femme. La psychologie n’a pas sa place dans ce journal. Le texte prend une ampleur de plus en plus importante au fil des pages. La période adolescente m’a plutôt laissé de marbre (j’avais de loin préféré la description des premiers émois sexuels de portnoy et son complexe de Philip Roth) alors que je me suis passionnée pour la période déclinante.

 

portrait-d-un-homme-tenant-un-mouchoir.jpg

Tintoret, Portrait d'un homme âgé tenant un mouchoir, 1570-1575, Le Louvre, Paris.

 

On nous présente le Journal d’un corps comme une première, ce qui n’est pas tout à fait juste. Souvenons-nous des Essais de Montaigne. Son journal est non seulement celui de l’esprit mais aussi celui du corps. L’auteur parle lui aussi sans tabou du corps, de ses jouissances comme de ses nombreux désagréments. Il va jusqu’à dire qu’il est incapable de penser sans marcher. Pour expliquer la relativité des lois et des coutumes d’un pays à l’autre ou d’une époque à l’autre, il n’hésite pas à prendre des exemples concrets relatifs au corps. Prenons par exemple, l’usage du mouchoir : « Un gentilhomme français se mouchait toujours de sa main (chose très ennemie de notre usage) défendant là-dessus son fait ; et était fameux en bonnes rencontres. Il me demanda, quel privilège avait ce sale excrément, que nous allassions lui apprêtant un beau linge délicat à le recevoir ; et puis, qui plus est, à l’empaqueter et serrer soigneusement sur nous. Que cela devait faire plus de mal au cœur, que de le voir verser où que ce fût : comme nous faisons toutes nos autres ordures. Je trouvai, qu’il ne parlait pas du tout sans raison : et m’avait la coutume ôté l’apercevance de cette étrangeté, laquelle pourtant nous trouvons si hideuse, quand elle est récitée d’un autre pays. ». (Essais, livre premier, chapitre XXII, « De la coutume, et de ne changer aisément une loi reçue). J'ai voulu aussi chercher des représentations picturales d'homme se mouchant et je n'ai guère trouvé que cet intrigant tableau du Tintoret représentant "Un homme âgé tenant un mouchoir". Dans ce tableau sans concession, le peintre nous montre la réalité de la déchéance humaine : l'homme est quasi chauve, la barbe longue et les rides bien nettes. Le Tintoret nous invite, à travers la présence de ce mouchoir et de ce corps usé, à regarder la décadence humaine et à l'accepter.

 

On pourra me répliquer avec raison que Montaigne se servait des phénomènes corporels et de notre rapport au corps et à l’hygiène pour justifier un raisonnement, pour faire réfléchir son lecteur à la relativité des lois et des pratiques, pour changer son regard par rapport à l’autre, ce qui n’est pas le projet de Pennac. Dans Journal d’un corps, il n’est pas question d’exposer une thèse. Le narrateur veut simplement témoigner de l’évolution de son corps. Ce qui, soulignons-le encore une fois, est un bel exercice de style.

 

usage-de-la-photo-ernaux.jpg

Annie Ernaux et Marc Marie, L'Usage de la photo, Gallimard, 2005

 

Un autre livre expérimental m’avait beaucoup marqué car il poussait très loin la présence/absence du corps, à la limite de la décence : L’Usage de la photo d’Annie Ernaux et Marc Marie. Ce journal intime écrit à quatre mains et illustré de photos remonte à l’année 2005. Dans ce journal, les amants ont eu l’idée de photographier leur vie sexuelle mais au lieu de montrer leurs corps nus, ce sont les vêtements et lingeries fines qui nous sont offerts. C’est ainsi au lecteur de recomposer les scènes d’amour. En revanche, les textes d’Annie Ernaux semblent dire le contraire de ce plaisir érotique évoqué par ces vêtements. Sans pudeur ni détour, elle raconte son corps malade, son cancer : « Quand cette photo a été prise, j'ai le sein droit et le sillon mammaire bruni, brûlé par le cobalt, avec des croix bleues et des traits rouges dessinés sur la peau pour déterminer précisément la zone et les points à irradier. [...] je dois porter durant cinq jours d'affilée, même la nuit une espèce de harnachement : j'ai autour de la taille, une ceinture et un sac banane renfermant une bouteille de plastique en forme de biberon qui contient les produits de chimio. De la bouteille part un mince cordon de plastique transparent, qui me monte entre les seins jusque sous la clavicule, s'achève par une aiguille plantée dans le cathéter, masquée par un pansement. Des bouts de sparadrap maintiennent le cordon contre la peau dont la chaleur fait monter et s'écouler les produits dans mes veines. À cause du sac devant mon ventre je ne peux pas fermer ma veste ou mon manteau et j'ai du mal à cacher le fil qui sort et passe sous mon pull. Quand je suis nue, avec ma ceinture de cuir, ma fiole toxique, mes marquages de toutes les couleurs et le fil courant sur mon torse, je ressemble à une créature extraterrestre. [...] Pendant des mois mon corps a été un théâtre d'opérations violentes. »

 

Le corps est un magnifique sujet littéraire qui nous en apprend autant sur lui que sur notre esprit. Et si Journal d’un corps de Pennac est un bel exercice de style, son roman s’inscrit dans une tradition littéraire qui a largement déjà exploré ce corps si fascinant que notre société moderne ne cherche de cacher tout en l’exhibant.

 

 

 

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5 janvier 2012 4 05 /01 /janvier /2012 11:40

lectrice-balthus.jpg

Balthus : Katia lisant (1968-76)

 Lorsque je suis allée au colloque sur l’Extrême contemporain à l’université de Bari, en Italie, pour parler des blogs littéraires, j’ai retrouvé une autre blogueuse, Abeline Majorel avec qui j'ai beaucoup échangé sur notre rapport à la lecture et surtout aux lecteurs. Nous n’étions pas d’accord sur le fait que n’importe quel livre pouvait mener un lecteur à la littérature. En effet, pour moi, une personne qui ne s’adonne qu’aux romans à l’eau de rose, surtout si elle est adulte, ira difficilement vers des textes plus exigeants. Abeline, au contraire, pense qu’un petit lecteur peut, au fur et à mesure, découvrir de nouveaux textes. Et, pour me convaincre, elle m’a donné l’exemple du succès de La Couleur des sentiments de Kathryn Stockett qui a reçu le prix du roman étranger de son site Chroniques de la rentrée littéraire et du magazine Elle, un roman qui a su toucher de nombreux lecteurs, qui ne sont pas forcément de grands lecteurs. J’ai continué, après notre rencontre à Bari, à réfléchir à ce qu’elle m’avait dit et à nos approches différentes de nos blogs.

 

Les semaines ont passé, et lorsque je suis allée aux Rosiers, je me suis retrouvée dans le train à côté d’une jeune fille, qui a engagé la conversation avec moi. J’étais en train de relire Comment gagner sa vie honnêtement de Jean Rouaud afin de parfaire la préparation de la table ronde que je modérais. Intriguée par mon livre, elle me dit qu’elle aime lire mais que, à cause de ses études d’infirmière qui lui ont pris beaucoup de temps, elle n’a pas pu s’adonner à cette activité. Elle me demande alors conseil. Je lui dis le plus grand bien de ce récit de Jean Rouaud, un texte qui reprend un certain nombre des problématiques de son œuvre (la filiation, les valeurs inculquées par ses parents, la recherche stylistique…). Mais, je ne la sens pas convaincue. Pour mieux la conseiller, je lui demande ce qu’elle aime lire d’habitude. Hélas, sa réponse me déçoit un peu : Marc Lévy et Guillaume Musso. Je ne lui montre pas que je m’attendais à mieux, et me ravise. Certes, cette étudiante aime lire des romans de gare, mais puisqu’elle veut des idées de lecture, c’est qu’elle a envie de s’ouvrir à d’autres textes. Des textes « lisibles », certes, mais le choix est vaste. Je lui ai alors répondu que les romans de Nancy Huston (en particulier L’Empreinte de l’ange), Les Heures souterraines de Delphine de Vigan ou Un secret de Philippe Grimbert pourraient lui plaire. En effet, ce sont des romans faciles à lire, mais qui ne sont pas dénués de sens ni d’intérêt. La jeune fille a noté les titres et nous nous sommes quittées ainsi sur le quai de la gare d’Angers.

 

Deux jours plus tard, lors de la table ronde avec Lise Benincà (Les Oiseaux de paradis), Caroline Lunoir (La Faute de goût) et Camille Bordas (Partie commune), un homme dans le public lève la main et s’adressant aux trois jeunes auteurs leur demande quel est le « piment » de chacun de leurs romans ! Les auteurs restent bouche bée, ne sachant que répondre et finalement se lancent, avouant qu’il n’y a pas de « piment » dans leurs livres. Erreur… Ce monsieur voulait savoir ce qui pouvait le motiver à lire ces textes. Nous avons rattrapé par la suite la réponse afin de lui expliquer ce qui faisait le sel et non le piment des romans présentés ici. Pour le premier, j’ai montré que l’écriture poétique allait immédiatement le saisir, pour le second, c’était au contraire la satire douce-amère et pour le dernier, l’humour et la recherche de la répartie. Après la table ronde, l’homme est venu discuter avec les auteurs et a acheté les livres.

 

Ces différentes rencontres m’ont permis de comprendre qu’un certain nombre d’entre nous, n’ayant pas le réflexe ni l’habitude de lire, ne savent pas par quel livre commencer, mais ont envie de découvrir de nouveaux textes. À condition, toutefois, que l'on s’adresse à eux simplement, en « désacralisant » le livre. 

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21 juin 2011 2 21 /06 /juin /2011 10:42

domecq.jpgN'en doutons pas, les créateurs du prix Tortoni et Tortignole ont de l'humour. Depuis trois ans désormais, les membres du jury se réunissent pour récompenser deux livres. 

Le premier prix, le prix Tortoni récompense un livre paru dans l'année et dont la qualité littéraire est passée inaperçue dans les médias. Ce prix ne vous rappelle rien ? Il est doté de 1500 euros et a été décerné à Jean-Philippe Domecq pour son roman Le jour où le ciel s'en va (Fayard). 

Le prix Tortignole, de son côté, lui se veut un "encouragement dans l'art bien difficile des Lettres". Il récompense un livre dont la qualité littéraire paraît faible mais qui a eu les honneurs des médias. Cette année, c'est Jean Teulé pour son roman Charles 9 (Julliard) qui a obtenu le prix. 

Le jury est composé de : Patrick Tudoret, Thibaut d’Anthonay, Christophe Ferré, Pierre-Robert Leclercq, Thibaut de Saint Pol, Joël Schmidt et Jérôme Saillard.

Jeudi 16 juin a eu lieu la remise officielle de ces deux prix. L'histoire ne dit pas si Jean Teulé s'est déplacé au café de la Bûcherie pour recevoir son prix...

 

Pour en savoir plus sur l'histoire de ce prix, c'est ici !

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20 mai 2011 5 20 /05 /mai /2011 11:27

lectrice-Picasso.jpgEn avril dernier, Le Magazine littéraire consacrait une enquête aux quatrièmes de couverture. Quelque temps plus tard, In Cold Blog a proposé à la blogosphère un questionnaire pour connaître le rapport qu'elle entretient avec ce petit texte quasi omniprésent sur les livres. Le résultat officiel ainsi que la conclusion de ce questionnaire ne sont pas encore connus. Il en ressort toutefois que la quatrième de couverture « est lue, systématiquement ou souvent, par 85 % des répondants » et « « 92 %, des répondants n’imaginent pas devoir se priver un jour des 4e de couverture ». On l’aura compris, ce court texte est un atout majeur pour donner envie de lire.

Le Magazine littéraire commence par faire un bref historique de cette fameuse quatrième : «  Au Siècle des Lumières, celle-ci existait sous la forme embryonnaire – et ostensiblement publicitaire – du «prospectus» […] – un texte bref, incitatif et élogieux, que les directeurs de journaux du XIXe siècle se voyaient littéralement priés d’inclure dans leurs colonnes, dans le but d’informer le public de l’actualité éditoriale. Durant la première moitié du XXe siècle et l’entre-deux-guerres, ce libellé prendra la forme d’un encart, feuille glissée dans les seuls exemplaires de presse, mais destinée cette fois au lectorat plus ciblé des critiques littéraires. Il faudra attendre l’après Seconde Guerre mondiale pour que ces feuilles volantes soient élargies à tous les exemplaires – et donc au public – et plus encore pour que celles-ci soient directement imprimées au verso des livres, pour des raisons bassement économiques. »

L’enquête se poursuit sur les choix éditoriaux des différentes maisons. Certaines, comme Minuit ou José Corti, se sont passé pendant longtemps  de ce petit texte promotionnel, souvent dithyrambique, ou faisant le résumé du livre. Comment évoquer en quelques mots Oh les beaux jours ! sans déflorer le texte ? Mais je ne suis pas de bonne foi. Les lecteurs connaissent, pour la plupart, l’univers de Beckett et n'ont pas besoin de lire un paratexte pour se décider ou non à ouvrir le livre.

Hélas, sans cette quatrième de couverture, certains livres n’auraient aucune chance d’être lus. Le lecteur a besoin d'en savoir davantage sur un livre complètement inconnu dont il ne sait rien ni de l'auteur ni de son contenu. Dans un entretien qui suit cette enquête, Dominique Gaultier, patron du Dilettante, affirme « je ne suis pas un grand partisan de la quatrième. Certes, elle permet de vendre davantage, mais cette langue de bois m’accable. On a toujours tendance à dire qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre, que l’on a découvert un merveilleux auteur, totalement inconnu mais extraordinaire… c’est un peu vulgaire, non ? » Il n’a pas tort : des éditeurs voire des auteurs immodestes se prennent à écrire des quatrièmes plus que pompeuses à leur propre gloire. Mais, Gaultier aussi a trouvé la parade pour vendre ses livres : le rabat de la couverture se substitue à la 4e. Voici comment il conçoit ce texte : « À mon sens, il faut quelque chose de court et de percutant. Neuf fois sur dix, on insère un bref extrait significatif, souvent en italiques mais pour le reste, il n’y pas de règles. Si on propose une notice narrative, elle dépasse rarement les cinq lignes, et on fait en sorte qu’elle soit un peu décalée, si possible plus amusante que ce qui se fait chez les autres. »

L’enquête ne fait pas allusion aux éditions Héloïse d’Ormesson qui poussent plus loin l’idée de la 4e de couverture en en plaçant une partie en 1ère ! En effet, un slogan, en bas de couverture, résume en quelques mots la portée du livre. Prenons quelques exemples : Boomerang de Tatiana de Rosnay – « Secrets de famille » ; Double je  de Jean-Marie Catonné – « Les éditeurs ne sont pas (tous) des chiens… Vous avez compris le principe ? Grâce à ce slogan, le lecteur sait d’emblée si le thème peut l’intéresser. Ensuite, il consulte la 4e de couverture pour avoir un résumé plus précis du livre.

Chaque éditeur a sa propre stratégie pour donner envie de lire… Les éditions Héloïse d’Ormesson parmi tant d’autres ont fait le choix de s’adresser au grand public. Le thème ainsi que le résumé du livre sont les critères déterminants de vente. D’autres maisons comme José Corti ou Minuit aimeraient se passer de cette 4e puisque, pour eux, le critère dominant est le style et leur lectorat se veut plus élitiste. Comme le dit clairement Dominique Gaultier, ces 4e promotionnelles peuvent apparaître vulgaires. Pourtant même sa maison d’édition (qui publie  des textes de plus ou moins grande qualité soit dit en passant) élabore des idées marketing pour vendre. Son choix premier se porte sur la couverture, sa marque de fabrique. Ainsi les rabats «  permettent de préserver l’harmonie des couvertures, qui sont très importantes chez nous. Elles ont pour spécificité d’être toujours illustrées avec, bien souvent, un jeu d’écho qui s’instaure entre le recto et la quatrième. »

Quant à moi, je dois avouer que je lis très rarement les quatrièmes de couverture voire jamais sauf si c’est pour un livre que je dois offrir, ou bien s'il ne s'agit pas d'un résumé. Quelques phrases bien senties suffisent. Mais, je me fie plus à la maison d’édition, à la renommée de l’auteur et aux échos que j’ai entendus ou lus sur tel ou tel livre. Et vous, vous laissez-vous tenter par la quatrième de couverture ?  

 

Pour lire l'enquête du Magazine littéraire, c'est ici !

Pour lire le compte rendu du questionnaire d'In cold blog, c'est ici !

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13 mai 2011 5 13 /05 /mai /2011 11:44

prix-inapercu-fouleHier a donc eu lieu la remise du Prix de l’Inaperçu. Il est temps de vous annoncer les deux grands gagnants, ou plutôt trois puisque l’auteur étranger partage sa dotation avec son traducteur.

double bonheurDans le domaine français, c’est Stéphane Fière avec Double bonheur (éditions Métailié) qui a su séduire le jury. L’auteur nous entraîne en Chine où le jeune narrateur de 25 ans, François Lizieux, part en mission au consulat de France en tant que traducteur à Shangaï. Très vite, celui-ci se laisse déborder par ses activités et la vie qu’il imaginait facile et pleine de plaisirs exotiques vire rapidement au cauchemar. En effet, ses employeurs ne cessent de le solliciter et ne lui laissent aucune liberté. L’histoire pourrait paraître banale, mais il n’en est rien. Stéphane Fière est un spécialiste de la Chine et de sa culture. Il parle la langue, vit dans ce pays. Cette connaissance fine et approfondie est perceptible dans ce roman où les mots chinois émaillent le texte.

stephane-fiere-anne-sophie-demonchy.jpgLe jury a été sensible à ce regard satirique sur une civilisation que nous connaissons mal. Le narrateur ne cherche pas à idéaliser le pays qu’il découvre. Au contraire, il montre une Chine basée sur les apparences, avide d’argent. Son narrateur d’ailleurs cèdera aussi au chant des sirènes. Amoureux d’une chinoise, François se laisse tenter par ses propositions fort peu louables : à son tour, il tente de se comporter comme les membres du consulat en faisant passer avant tout ses intérêts. De jeune homme idéaliste et rêveur, il devient pragmatique et arriviste.

Ce roman, grinçant, nous ouvre les yeux sur une civilisation que nous n’imaginions pas ainsi. Il nous oblige à revoir nos a priori, à remettre en cause nos valeurs… Pour apprécier Double bonheur à sa juste valeur, il faut accepter de faire ce voyage dans un pays riche d’enseignementsur l’Autre.

 

au nord du mondeDans le domaine étranger, c’est Marcel Théroux avec Au nord du monde (éditions Plon) et son traducteur Stéphane Roques qui ont emporté la majorité des suffrages dès le premier tour. Ce fut un vrai coup de cœur. Devant un texte si bien construit et si fluide, on se demande pourquoi le roman est demeuré inaperçu.

stéphane roques anne-sophie demonchyPourtant, d’emblée, Au nord du monde n’avait rien pour nous séduire : il est à mi-chemin entre le roman post-apocalyptique et le western. Mais, dès la première page, Marcel Théroux réussit à nous convaincre que son histoire vaut vraiment le détour. Dans le nord de la Sibérie, Makepeace, le shérif, vit seule dans une ville désolée. Son quotidien est morne, pourtant, le récit ne se veut jamais ennuyeux. De multiples rebondissements permettent de maintenir le lecteur en haleine. Un avion vient en effet s’écraser près d’elle : signe que des êtres humains se trouvent dans les parages. Makepeace décide de partir à la leur rencontre. Evidemment, dans cette civilisation rude et violente, les rapports humains sont compliqués. Pour survivre, certains se réunissent en communauté religieuse, d’autres en horde sauvage. Chacun s’organise pour ne pas être broyé par le mal grandissant. Un groupe seulement parvient à vivre au plus près de la nature. Il y a, dans ce roman, des réflexions à la fois philosophiques, sociologiques et écologiques. A l’heure de la mondialisation, il est toujours passionnant de s’interroger sur notre devenir, nos pratiques et nos agissements. Car, si Au nord du monde est un merveilleux roman d’aventures riche de péripéties et de rebondissements, il est également un texte intelligent sur la place de l’homme dans un monde dont nous perdons peu à peu le contrôle. Magnifique !

J'espère que ces deux romans sortiront du silence médiatique ainsi que des librairies. On est très loin de la littérature jetable et simplement plaisante. Ces romans nous permettent de voyager, réfléchir et mûrir. Belle lecture !

 

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3 mai 2011 2 03 /05 /mai /2011 12:01

prix-de-l-inapercu-copie-1.jpgOn ne s’en lasse pas ! Le prix de l’Inaperçu dont je ne cesse, au fil des années, de vous en dire le plus grand bien, est de retour. Et ce n’est pas parce que cette année, j’ai le privilège et l’honneur d’en être la présidente que je vais cesser d'en faire la propagande ! D'ailleurs, si vous avez lu, comme je vous l'avez conseillé l'an dernier Plaine de BI Feyiuet Conquistadors d'Eric Vuillard, vous comprenez parfaitement mon enthousisame !


Dois-je vous rappeler ce qu’est ce prix littéraire ? Certes, il en est qui se qui se gaussent d'un prix  qui récompenserait un livre passé inaperçu… Dois-je leur préciser que même si les éditeurs, attachés de presse, journalistes et libraires font ce qu’ils peuvent (pour certains...) pour défendre les livres, admettez messieurs les sceptiques que ce sont des livres et non des œuvres littéraires qui bien souvent font l’objet d’une mise en place spectaculaire. Pensez-vous vraiment que ce soient les textes les plus exigeants et audacieux qui font du buzz ? Certains éditeurs comme libraires prennent des risques financiers en tentant d’attirer l’attention sur des textes brillants et originaux. Mais ils savent que ce ne sont pas avec ces livres, à quelques exceptions près, - heureusement ! – qu’ils feront fortune !


C’est pourquoi la démarche de ce prix de l’Inaperçu est louable : elle souhaite récompenser un livre français ainsi qu’un livre étranger publiés dans la plus grande indifférence. Journalistes comme lecteurs sont passés à côté. Et pourtant, ces livres auraient mérité mieux que le dédain. Certains, dans cette sélection, appartiennent à de prestigieuses maisons. Mais, face à une concurrence terrible provenant de romans populaires ou de livres polémiques, ces textes à l'ambition purement littéraire, sont restés inaperçus.


Le comité est constitué des journalistes  Nils Ahl, Benjamin Fau et David Vauclair pour la lecture  ainsi que Anne-Laure Clément, Eva Dolowski et Stéphane Rose pour la logistique ont sélectionné dix romans. Le libraire, Stanislas Rigot, a tenu le rôle du » consultant de luxe ».

 


Voici la sélection  des  romans français :


• Claudine Lebègue, "À ma zone", éditions La Passe du Vent
• Laurent Cohen, "Sols", Actes Sud
• Stéphane Fière, "Double bonheur", éditions Métailié
• Michel Jullien, "Au bout des comédies", éditions Verdier
• Rémi Viallet, "L'herbe sous les pieds", éditions Quespire

Voici la sélection des romans étrangers :


• David Toscana, "Un Train pour Tula", trad. François-Michel Durazzo, Zulma
• Marcel Théroux, "Au nord du monde", trad. Stéphane Roques, Plon
• Juan José Millás, "Une vie qui n'était pas la sienne", traduit de l’espagnol par André Gabastou, éditions Galaade
• László Krasznahorkai, "Au nord par une montagne, au sud par un lac, à l'ouest par les chemins, à l'est par un cours d'eau", trad. Joëlle Dufeuilly, éditions Cambourakis
• Sherko Fatah, "Le Navire obscur", traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, éditions Métailié

 

 

Je vous invite bien sûr à découvrir ces romans et à nous rejoindre jeudi 12 mai au café de l'Industrie (15/17 rue Saint-Sabin) pour boire un verre avec tous les auteurs, éditeurs et traducteurs sélectionnés, et fêter comme il se doit la victoire des lauréats !

 

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le site dédié au prix de l'Inaperçu, rejoindre la page Facebook.

 


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26 avril 2011 2 26 /04 /avril /2011 12:14

reviser-son-bac-avec-le-monde.jpgLe Monde édite un Hors-série pour « Réviser son bac avec Le Monde ». Le concept est assez original : les bacheliers revoient le programme du bac tout en lisant des articles de presse. Des fiches rappelant l’essentiel du cours, des points de repères du lexique constituent la première partie de chaque chapitre. Un sujet de type bac (commentaire, dissertation, etc.) constitue la seconde partie et enfin deux ou trois articles du Monde referment le chapitre. Alléchée par ce concept innovant, je me suis offert le Hors-Série spécial bac français.

 

Qu’en penser ?

En tant que lectrice, j’ai trouvé ce magazine riche, proposant des sujets divers, des articles éclairants. On retrouve en effet des textes traitant de la poésie contemporaine, de réécriture, de la Renaissance, des polémiques actuelles comme les mères porteuses ou la médiatisation des idées d’Éric Zemmour… C’est une très belle anthologie qui vaut le détour.

 

En tant qu’éditrice parascolaire, le magazine m’a quelque peu déçu… Certes, Le Monde aborde les points essentiels du programme. Il donne des mots clés, des repères… L’élève peut revoir ainsi son cours. Pourtant, la démarche proposée n’est pas toujours cohérente. Par exemple, avant de traiter un sujet de type bac, on aimerait avoir lu les articles du Monde qui permettent ainsi de proposer à l’élève un corpus de textes dans lequel il peut piocher des exemples. On ne comprend pas pourquoi ces articles apparaissent en dernière partie. L’encadré intitulé « Pourquoi cet article ? » est également peu explicite. Un exemple parmi d’autres : « Penser en poète » est un article du 3 novembre 2006 de Jean-Claude Pinson. Le chapô indique qu’il sera question de « poésie et philosophie ». C’est assez obscur, mais l’encadré l’est plus encore : « Pourquoi cet article ? Aperçu de la poésie actuelle, entre « poésie-performance », intégrée aux arts du spectacle, et « poésie pensante », sœur jumelle de la poésie. » Si vous avez compris ce que cette phrase nominale signifie, je suis à votre écoute. Je doute qu’un élève de première puisse la comprendre… Il me semble que pour qu’un bachelier puisse réviser en toute sérénité son bac en consultant un magazine ou un manuel parascolaire, il ne doit pas se poser la question de l’intérêt de tel ou tel article. On doit l’amener à réfléchir, mais en lui donnant des clés. L’encadré est donc essentiel à condition d’être plus clair. De même, des notes en bas de page pour expliquer des notions compliquées ou rappeler qui est tel auteur manquent cruellement à ces articles.

 

En tant que prof, je serai sans doute plus sévère encore. Ma formation m’a permis de découvrir des auteurs, des critiques, des spécialistes… J’ai eu le temps de me familiariser avec des notions complexes, des théories plus ou moins aisées, des courants de pensée… Ce fut un véritable enchantement. Aujourd’hui encore, bien sûr, je suis avec gourmandise, les publications littéraires. Mais, penser que les élèves de première ont les mêmes connaissances, c’est être très optimiste. Ainsi, avec énormément d’intérêt, j’ai lu un article de Pierre Lepape datant de 1993 sur une publication de Michael Screech. Le journaliste explique comment et pourquoi notre vision de François Rabelais est déformée. Cet article se veut réellement très intelligent. Hélas, il n’est pas vraiment question des œuvres de Rabelais mais de l’évolution de la recherche et des théories sur l’auteur au fil du temps. Les étudiants en lettres y feront leur miel car cet article permet de clarifier des concepts et des théories. Mais un élève de première n’a aucune idée de toutes ces problématiques. Il n’a que 16 ans… Il a besoin d’outils pour se former, de méthodes et surtout de pédagogie. Proposer des articles est une idée très valable, que l’on exploite d’ailleurs de plus en plus au lycée comme au collège, mais encore faut-il être explicite. Les articles du Monde n’ont évidemment pas été choisis au hasard. Ils répondent tous à une partie du programme. Mais ils doivent être plus clairement annoncés. Prenons encore un exemple pour vous convaincre : dans la partie « Production et réception des textes », il est question de « l’affaire Cosette » opposant la famille Hugo à l’écrivain François Cérésa qui a osé écrire la suite des Misérables. Même si cette affaire en 2001 ( !) a fait couler beaucoup d’encre, les élèves de première, à cette époque, n’avaient que 6 ans et même parmi les adultes, je ne suis pas certaine que nous soyons très nombreux à connaître cette affaire. Le Monde, lui, doit estimer qu’un élève de première est au fait des polémiques qui ont agité la république des lettres ces dernières années puisque l’article de Dominique Noguez « Victor Hugo appartient à tous » n’a pas de chapô et que le « Pourquoi cet article ? » se résume à « Sur la problématique des « suites » d’œuvres célèbres, à propos du procès intenté à l’auteur de Cosette, ou le tems des illusions ou Marius ou le fugitif, par des descendants de Victor Hugo, Dominique Noguez présente une défense vigoureuse du droit des écrivains à jouer avec la littérature. Pour lui, « suite, réponse, reprise, adaptation, pastiche, parodie, allusion ; mise en abyme, traduction, mise en vers, la littérature s’est toujours nourrie de littérature. » Pour qu’un élève puisse réinvestir un exemple, il a besoin de savoir clairement de quoi il s’agit. Ici, il ne sait pas qui est François Cérésa, de quand date le livre, qui est Noguez… Pour nous, adultes, cette entrée en matière peut paraître évidente, elle ne l’est pas pour un lycéen.

 

Ce Hors-série est donc très ambitieux. Il propose de réviser son bac français grâce à des articles du Monde. Il aborde des théories littéraires, évoque nombre d’auteurs contemporains plus ou moins connus, traite de polémiques plus ou moins datées. Bref, il se veut complet. Et il l’est. Hélas, je pense qu’à vouloir bien faire, il manque sa cible. La façon dont les problématiques sont abordées me semble d’un niveau bien supérieur. Un lycéen ne possède pas une telle culture. C’est dommage… 

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16 mars 2011 3 16 /03 /mars /2011 13:48

Chiharu ShiotaLu sur le site Arrêt sur images la chronique fort intéressante d’Alain Korkos sur La Métamorphose de Kafka ou plus exactement sur les choix éditoriaux de ses couvertures. Une affirmation m’a interpellée : « une illustration nous montre "la vermine" comme ceci ou comme cela alors qu'elle n'est guère décrite dans le texte, le lecteur se retrouve enfermé dans cette vision. L'image impose le plus souvent, quand le texte suggère. »

 

C’est tout à fait exact. Ce qui est surprenant dans La Métamorphose, c’est que Grégoire Samsa n’a pas une idée précise de son apparence. Le récit ne s’attache qu’aux pensées de ce personnage métamorphosé en insecte géant, sorte de cafard répugnant. Ce dernier se sent encombré par une carapace rigide, un corps énorme, raide… À aucun moment, il ne se voit dans un miroir. Ses parents et sa sœur lui renvoient une image effrayante, cauchemardesque. Mais Grégoire, lui, ne se voit pas. Il n’a aucun moyen de se rassurer, penser que son apparence n’est pas si inhumaine…

 

À un premier niveau de lecture (souvent celle que l’on adopte avec une classe de 4e ou de 3e), La Métamorphose s’apparente à une nouvelle fantastique. Todorov dans Introduction à la littérature fantastique définit ainsi le genre : « le fantastique occupe le temps de cette incertitude ; dès que l'on choisit l'une ou l'autre réponse, on quitte le fantastique pour entrer dans un genre voisin, l'étrange ou le merveilleux. Le fantastique, c'est l'hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturelle. » Dans La Métamorphose, précisément, Kafka prend soin de ne pas décrire son personnage encore moins de donner le début d’une explication à cette transformation étrange. Seules les sensations comptent. Mais a-t-on affaire véritablement au genre fantastique ?

 

Le thème de la métamorphose est issu de la tradition littéraire, que l’on retrouve dans les mythes. On se souvient que dans l’Odyssée, Circé, la magicienne, a métamorphosé les compagnons d’Ulysse en cochons ; Ovide, dans Les Métamorphoses, raconte comment Daphné se change en laurier, Atlas en montagne ou Zeus en cygne, taureau pour tromper ses conquêtes. Alors que tous ces récits montrent le processus de métamorphose, Kafka ouvre son récit sur un personnage déjà transformé. Le phénomène importe moins que les conséquences. Sa métamorphose est comme acquise et acceptée… D’où l’écart par rapport à la définition du genre : alors que le fantastique induit un sentiment d’hésitation, dans La Métamorphose, aucun doute ne subsiste. Grégoire est bel et bien un animal. Kafka nous plonge dans un univers absurde, accepté par son anti-héros. Absurdité que l’on retrouve dans nombre de ses textes et parmi eux les plus célèbres, Le Château ou Le Procès.

 

La métamorphose se retrouve également dans les rapports familiaux. Jusqu’à ce fameux matin, Grégoire vivait en harmonie avec ses parents et sa sœur, subvenant aux besoins de tous, étant le seul à avoir un emploi. Mais, à partir du moment où il se change en bestiole, la communication est coupée. Le père est celui qui manifeste dès le début un violent rejet. La sœur tente dans les premiers temps d’apprivoiser sa peur et son dégoût, pourtant elle finit par se lasser de la situation, comprenant que Grégoire ne retrouvera jamais sa forme initiale. Si La Métamorphose peut se lire comme une tragédie où la mort de Samsa est signée dès les premières lignes, le comique surgit également, notamment dans les échanges entre la mère et la fille. Mais le rire laisse vite place à l’inquiétude : peu à peu, les différents membres de la famille adoptent une attitude franchement hostile et souhaitent se débarrasser du parasite qui a bouleversé leur existence.

 

Toutefois, pour ces trois personnages, la métamorphose de Grégoire s’avère positive : obligés de trouver des solutions pour payer leur loyer, ils parviennent à rebondir, trouver des postes intéressants, vivre aisément. La chute de la nouvelle est terrible et cruelle. Grâce à la disparition de leur fils, les parents connaissent une ascension sociale dont ils comptent profiter non sans cynisme.

 

Car La Métamorphose est avant tout une allégorie des affres de la famille. Sans réduire la nouvelle à un règlement de compte familial, Kafka est indubitablement marqué par la relation complexe et destructrice qu’il entretient avec son père. Ce dernier estime en effet que son fils n’est qu’un parasite. Travaillant le jour comme juriste dans une compagnie d'assurance, l’écrivain consacre ses nuits à ses activités littéraires. Mais son père estime qu’un écrivain ne sert à rien, c’est un parasite de la société. Prenant au mot ces accusations, Kafka fait de Grégoire - un fonctionnaire sans histoire, sorte d’alter ego - un cafard, bestiole gênante dont on va chercher par tous les moyens à se débarrasser. La famille devient meurtrière.

 

Il paraît qu’il existe une centaine d’interprétations de cette nouvelle, ce qui n’est pas étonnant tant le texte est riche et ouvert. Le contexte familial est une des pistes à explorer mais elle est loin d’être la seule : on peut y lire une allégorie de l’artiste, du marginal, du fou… Parce que La Métamorphose échappe au genre fantastique, sa lecture laisse place à l’imagination et la réflexion… 

 

(Ilustration Chiharu Shiota)

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19 décembre 2010 7 19 /12 /décembre /2010 18:53

jacqueline-de-romilly.jpgCe matin, au réveil, j’ai appris la mort de Jacqueline de Romilly. Certes, c’est une dame de 97 ans qui disparaît. Mais, j’éprouve pour cette très grande helléniste, beaucoup de tendresse et de respect. Toute son existence fut consacrée à la défense de la culture. Grâce à mon presque oncle, Jean-Daniel Picard, il y a quasi dix ans déjà, j’ai eu l’honneur de la rencontrer et de lui faire un petit discours, bien laborieux, devant l’Académie de médecine. Ce fut un moment inoubliable car son intelligence et sa générosité m’avaient touché profondément.

Ce que je retiendrai de Jacqueline de Romilly, c’est sa constance et sa curiosité intellectuelle mise au service de l’autre. Ses nombreux livres s’adressent non pas à des spécialistes ou des étudiants, mais à tout le monde. Avec des mots simples, elle parvenait à exprimer des idées complexes et surtout, elle transmettait son goût du savoir et de l’apprentissage. Ne se résignant jamais au fatalisme, elle a toujours défendu les lettres classiques, dénonçant une école utilitariste qui accepte les injonctions de la société de consommation. Jacqueline de Romilly a gardé sa foi en l’école, défendant les enseignants, louant leur volonté de se renouveler, de continuer d’apprendre et de transmettre à leurs élèves, leur donner les clefs pour devenir des êtres libres, cultivés.

Elle va me manquer…

 

 

 

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17 mai 2010 1 17 /05 /mai /2010 16:25

prix-de-l-inapercu.jpgVous souvenez-vous d’un prix littéraire très original dont je vous avais dit le plus grand bien l’année dernière ? Vous savez, le prix de l’Inaperçu ! Un prix qui a le mérite de récompenser deux romans – un français et un étranger – passés injustement inaperçus dans les médias et par voie de conséquence se sont vendus à moins de 1 000 exemplaires. Mardi 25 mai, pour la troisième fois, le prix de l’Inaperçu tentera de réparer deux injustices littéraires.

 

À l’origine de ce prix, un joyeux comité composé de journalistes, animateurs culturels, éditeurs, et une attachée de presse. Un point commun : l’envie de faire découvrir des livres dont personne n’a parlé. Partant d’une triple constatation :

« 1- les prix font parler de livres dont on parle déjà

2- les prix font vendre des livres qui se vendaient sans eux

3- les prix récompensent un nombre non négligeable d'ouvrages qui n'auront pas d'autre postérité que celle de figurer dans des listes à la fin des dictionnaires ou des anthologies (et encore, pas dans toutes) »,

le comité a décidé de tenir les  livres :

« 1- dont on a (presque) oublié de parler

2- qui n'ont pas rencontré leur public

3- qui ne dépailleraient pas dans la bibliothèque de l'honnête homme et pas seulement pour caler un pied ou par amour des bandeaux rouges ».

 

À partir de ces critères, « sont admis à concourir pour le prix de l’inaperçu – en deux catégories (française et étrangère) –  les livres : (1) qui n’ont pas reçu plus de deux ou trois revues critiques ; (2) dont les ventes n’ont pas dépassé le millier d’exemplaire (plus ou moins) ; et (3) qui l’auraient bien mérité, pourtant. Sur ces critères, on retiendra entre 0 et 3 titres par maison d’édition et par catégorie (et non par collection ou série). Ces livres seront proposés à la lecture d’un comité qui définira deux listes (française et étrangère, donc) à soumettre à l’examen d’un jury ».

Et ce jury est composé de douze membres - journalistes, critiques, écrivains, éditeurs, ou tout simplement lecteurs). Cette année, le président est une présidente : c’est Anna Topaloff. Et vous savez quoi ? Cette année, je fais également partie de ce jury, pour mon plus grand plaisir !

 

Mais venons-en à l’essentiel, les livres !

La sélection des romans français :

- Denis Baldwin-Beneich, Le Sérieux des Nuages,  Actes Sud

- Pascal Morin, Biographie de Pavel Munch, éditions du Rouergue (pour le moment, j’avoue je n’ai pas terminé mes lectures, mon préféré…)

- Estelle Nollet, On ne boit pas les rats-kangourous, Albin Michel (déjà sélectionné pour le Prix du Premier Roman, le Prix Orange du Livre 2010, le Prix Biblioblog 2010 et le prix Emmanuel Roblès. Un inaperçu pas si inaperçu !)

- Rosie Pinhas-Delpuech, Suites byzantines, éditions Bleu Autour

- Eric Vuillard, Conquistadors, éditions Léo Scheer

 

La sélection des romans étrangers :

- Andrzej Bart, Don Juan, une fois encore, trad. Robert Bourgeois, éditions Noir sur Blanc

- Lars Saabye Christensen, Beatles, trad. Jean-Baptiste Coursaud, éditions JC Lattès (grosse incompréhension : ce roman fut un véritable succès en Norvège, a été traduit par Coursaud que je tiens en haute estime, est entraînant. Et pourtant…)

- Chris Cleave, Et les Hommes sont venus, trad. Odile Demange, NiL éditions

- BI Feiyu, La Plaine, trad. Claude Payen, éditions Philippe Picquier

- Carl-Henning Wijkmark, La nuit qui s’annonce, trad. Philippe Bouquet, éditions Cénomane

 

 

Des nouvelles prochainement du prix. Sinon, vous êtes chaleureusement invités à la remise du prix mardi 25 mai au Café de l’Industrie (métro Bastille).

Visitez le site !

 

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